Les poèmes ont été écrits après que nous avons dû quitter dans l’urgence notre logement de la rue des Abeilles dans le 1er arrondissement.
Les derniers je les ai écrits juste avant de déménager pour venir habiter où je suis maintenant boulevard Chave.
Entre 2003 à 2007 je crois.
C’était un moment de déplacement. A ce moment-là tout s’est déplacé même les choses que j’avais mis longtemps à poser.
La rue des Abeilles c’était un endroit rond il a fallu partir dans un immeuble plein d’angles aigus.
Le 1er arrondissement comme les autres choses que j’écris je les dessine avant.
Pour le 1er arrondissement quelque chose s’est cassé j’ai vu les morceaux par terre et je les ai rassemblés.
La 1ère partie est un triangle isocèle il est stable dans les 2 parties suivantes il se coupe en 2 triangles rectangles il perd l’équilibre les 3 parties suivantes sont comme de petits triangles isocèles formés à partir des morceaux épars.
Chacun de ces angles est un point de vue de muet.
Car il y a un sacré silence qui pèse sur la bouche des déplacés comme sur celle des édentés qui n’osent pas sourire de peur d’éloigner l’amour.
Et une fois que les angles ne coupent plus les langues dans la 7ème et dernière partie j’ai tracé un cercle pour les contenir c’est pourquoi le dernier poème que j’ai écrit en Algérie pour une tante à Michel qui est morte depuis est totalement rond.
Et comme la dernière partie est un cercle qui vient faire le tour des différents angles le livre n’a ni début ni fin d’ailleurs il commence par la fin la 1ère partie c’est la fin des Abeilles.
La 2ème c’est la perte d’équilibre le travail à la cité de la Rouguière au bord de l’Huveaune le fleuve-poubelle et la guerre menée par Israël au Liban.
la 3ème c’est la fermeture de l’Imprimerie Cholet rue Breteuil j’avais travaillé 17 ans avec le même imprimeur c’était une imprimerie importante à Marseille elle avait ouvert après la guerre c’était le père de monsieur Cholet qui l’avait ouverte et monsieur Cholet avait commencé à y travailler à l’âge de 14 ans . J’ai passé beaucoup de temps dans cette imprimerie et j’ai appris beaucoup de choses sur la lettre et la justification. Sur le papier la matière du papier le support du poème.
La 4ème c’est le déplacement à Nijni-Novgorod c’est la troisième fois que je me rends en Russie c’est la troisième fois que dans ce pays étranger les gens me parlent dans leur langue croyant qu’elle est la mienne elle a dû l’être. L’exercice de la traduction est le même que celui de l’écriture il me faut traduire ce que je ne sais pas dire.
La 5ème est un court aller-retour entre le poème et le poème.
La 6ème c’est le dernier petit triangle qui à force de patience a réussi à retrouver les bris du miroir et a obtenu une remise de peine afin de ne pas purger encore 7 ans de malheur !
La dernière partie commence à Alger je parle avec les algérois ils parlent tous ma langue la langue de l’oppresseur elle reste écrite. ils m’expliquent que c’est plus facile pour eux de lire en français de parler en français. la langue arabe ils la connaissent mais malgré tout elle reste une étrangère. Les enfants de mon école vivent la même chose avec la langue hébraïque elle leur est courante et absolument étrangère.
Le cercle lui participe à sa perfection.
Mais parfois il faut sauter en marche pour ne pas recommencer le même trajet.
Marseille, juin 2013
FGL